Épisode 04 : Torkhus chapitre 02

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« Encore un… » murmura Ponury.

Une flèche de vent transperça le xylotherme de part en part, faisant exploser son torse de bois et projetant des braises incandescentes dans toutes les directions.

Ponury était une elfe septine de vingt-huit ans. Elle avait les oreilles longues et courbes comme tous ceux de sa race, des yeux bleus et des cheveux blond foncé et courts, avec des reflets verts sur les pointes. Équipée d’une broigne qui épousait les formes de son corps et d’un pantalon de toile, elle faisait régulièrement des rondes autour du château de son seigneur.

« Ce n’est pas normal… »

Les traces de pas la guidèrent dans la forêt kelte. Elle s’arrêta après deux cents mètres.

« Il a couru tout droit, pour échapper à quelque chose… »

Ponury croisa les bras. Les xylothermes hibernaient pendant l’automne, quand l’humidité était trop élevée et qu’ils ne trouvaient plus le bois sec dont il se nourrissait.

Elle jeta un dernier regard à la forêt avant de rebrousser chemin. Les grands chênes et les hêtres poussaient selon leur bon vouloir et étiraient leurs troncs comme des corps fatigués ; leurs branches épaisses projetaient leurs ombres sur le sol humide. Elle en était persuadée, mais au cœur de ces ténèbres se tramaient des plans maléfiques.

La seigneurie de Mézidon était constituée, en plus du château, de quelques fermes isolées et de trois hameaux. C’est dans l’un d’eux que l’attendait Bruna, une mandragote d’une vingtaine d’années, aux cheveux noirs coiffés en queue de cheval, équipée d’une épée courte et portant une armure de qui se refermait sur une forte poitrine. Son casque en cuir était percé de trous pour faire passer ses oreilles de chat.

« Alors, Ponury ?

– J’ai encore trouvé un xylotherme. Ça ne va pas du tout. Je ne sais pas encore ce que ça pourrait être. »

L’elfe prit son menton entre son pouce et son index.

« Une migration ?

– Je… je crois que j’ai la réponse. » dit Bruna.

Elle montra un bâton de marche, taillé grossièrement.

« C’est de l’artisanat gobelin. Aucun doute là-dessus.

– Des gobelins. Ça explique l’agitation dans la forêt.

– Ça va devenir un problème.

– Un problème ? » s’étonna Ponury.

Une flammèche d’un bleu électrique apparu au creux de sa main.

« J’en ai pour une après-midi. Je serais de retour demain. »

Elle allait pour partir, quand Bruna la retint par l’épaule.

« Attends !  J’en ai trouvé au moins trois, des bâtons. Et il est rare pour eux d’en tailler. Ils ont dû se déplacer massivement. Selon mes estimations, la colonie doit excéder les mille individus. On doit se préparer. »

Ce nombre de mille monstres calma les ardeurs de Ponury.

« Allons prévenir Irée. Il faut se préparer à un assaut. »

Le seigneur de Mézidon, Irée d’Avesnes, était une jeune fille qui avait tout juste dix-huit ans. Petite blonde d’un mètre cinquante, elle n’en restait pas moins une fière noble mérovienne. Son château, avec deux tours imposantes et des courtines épaisses supportant une barbacane au-dessus du pont-levis, dominait la plaine et les villages environnants.

« Des gobelins ? Ce n’est rien de pressant. Je ne vais pas demander de l’aide à Savara pour ça. Nous avons déjà dix cavaliers ici, en plus de nous trois. Ce sera amplement suffisant pour écraser une bande.

– Il semblerait qu’ils soient plutôt proches du millier. Armons au moins nos paysans, précisa Ponury.

– Pour qu’ils se révoltent ? Ces vulpès ne sont rien que des rebelles ! »

Irée se laissa tomber sur son fauteuil.

« Même pour trouver du personnel de maison convenable, c’est difficile. Alors une milice ! C’est hors de question. »

Bruna et Ponury se jetèrent un regard inquiet.

« Si nous ne faisons rien, nous risquons d’être débordés. » ajouta l’elfe.

Irée leva un sourcil et posa sa tête sur sa main gauche.

« Tu as peur des gobelins Ponury ? Ça ne te ressemble pas.

– Je n’ai pas peur des gobelins. Juste un mauvais pressentiment.

– Tu t’en fais trop. Avec nos cavaliers et vous deux, nous repousserons cette attaque. »

Irée saisit une pomme et croqua dedans.

« Et encore faudrait-il qu’ils aient le courage de sortir de la forêt. Ce château ne sera pas pris aussi facilement qu’un village comme Grae. »

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